MARIE-ANGE BARBET, LISE FOLLIER, MAXIME PREAUD / Diederik Bakhuys (2003)


La présentation conjointe des œuvres de Lise Follier, Marie-Ange Barbet et Maxime Préaud réunit des pièces qui ont en commun leur lieu de naissance : un curieux atelier de gravure du XIIIe arrondissement. Ces trois graveurs partagent des instruments, se succèdent sur la même presse, font sécher les épreuves sur le même fil. La magie de l’estampe tient pour une part à la place centrale de tout un matériel artisanal, à la nature des instruments, aux contraintes qu’ils imposent. Chaque tirage est une opération manuelle, le fruit d’une succession de gestes précis ; dans bien peu de disciplines artistiques, l’organisation de l’atelier détermine à ce point l’œuvre finie. Si, pour chacun des trois artistes, le travail du graveur tire son impulsion première de l’observation de motifs familiers, leurs recherches dans le domaine de l’estampe suivent cependant des voies bien distinctes.

Les œuvres de Lise Follier présentées ici usent de moyens techniques différents de ceux de ses camarades d’atelier. Presque toutes sont des gravures sur bois et des linogravures auxquelles ont été jointes quelques rares pointes sèches. Il semble presque trop évident de souligner ce que le travail de cette artiste doit à la tradition plastique de l’Extrême-Orient. Elle s’exprime dans son approche du motif marquée par la conviction qu’il existe une puissante charge poétique dans un motif animal ou végétal isolé de son contexte. Cette sensibilité des formes nourrit la concision de l’analyse et cette combinaison fascinante de richesse suggestive et de stylisation. Son expression est très étroitement liée à la couleur, utilisée tantôt sous la forme d’une opposition tranchée entre le noir et un ton en aplat, ou bien travaillée au contraire en superpositions tonales fondées sur des jeux de transparences extrêmement nuancés. La richesse de l’effet tient aussi à la nature du support et aux effets de texture et de translucidité de la feuille elle-même.

Des trois graveurs exposés ici, Marie-Ange Barbet est le seul dont les œuvres sont centrées autour de la figure humaine, parfois même approchée sous la forme du portrait. Ses estampes suivent une logique qui est généralement fondée sur le trait, sur une écriture synthétique où transparaît toujours la vigueur du geste, la pression de la main. La plupart des pièces exposées ici sont des eaux-fortes, mais lorsque l’artiste se tourne vers la gravure sur bois, ce n’est pas nécessairement pour en tirer de larges aplats de noir mais pour poursuivre, souvent, un travail autour de la ligne, sous une forme plus robuste et simplifiée. Si ses eaux-fortes possèdent un caractère graphique très accusé, le dessinateur prend soin à chaque fois de tirer parti des effets spécifiques de la gravure en donnant au tracé un très fort caractère d’incision : chaque planche restitue le sentiment de la taille, l’effet de la griffure.

Les gravures de Maxime Préaud exposées ici sont quant à elles centrées sur le registre de la nature morte. Au-delà même du fait qu’y apparaissent souvent des objets dont la représentation est étroitement liée à toute l’histoire du genre, on peut dire que - non sans humour souvent - elles sont nourries d’une culture artistique qui associe à la méditation sur l’objet l’intelligence des effets de surface et un travail très raisonné de construction et de mise en page. Si le graveur ne s’interdit pas, à l’occasion, des incursions dans le domaine de la couleur, son œuvre demeure pour l’essentiel fondé sur le noir et blanc. L’eau-forte est au centre de ses moyens d’expression mais il en tire des effets bien différents de ceux de Marie-Ange Barbet : il module les ombres au moyen d’un dessin fouillé, d’une trame très dense de tailles. La complexité de l’exécution, la combinaison des techniques, la profondeur des effets ne sont jamais un jeu gratuit, pas plus que l’ironique virtuosité avec laquelle sont associés des motifs consacrés par l’histoire de l’art : en fin de compte, c’est toujours la beauté de la construction qui frappe.


© Diederik Bakhuÿs