BERNARD MOREL / Maylis de Kerangal pour le Triptyque d’Angers (2008)


Les bas-reliefs de Bernard Morel se jouent du temps. Montages de bris métalliques prélevés à la casse, agencements de plaques maculées, rouillées, crevassées, fissurées, assemblages de morceaux de bois, ces sculptures travaillent des bouts qui reviennent de loin, du fond obscur de la décharge, des bouts de rien en somme. Elles « font avec » le rebut. De leurs lignes de faille, le sculpteur tire des lignes de force, dans leurs desquamations il trace des mouvements. Disposant ces reliefs oxydés comme des couches de durée qui sous nos yeux palpitent, multipliant les plans et les coupes, et riant toujours de l’exfolience du temps, le sculpteur organise le jeu : réinvestir ces matériaux désaffectés en leur affectant le monde. Cette charge nouvelle crée dès lors un monde tangible, un monde figuré - ici un monde-paysage. C’est pourquoi ces bas-reliefs émeuvent : le temps qui les compose n’y est jamais une nostalgie - la douleur de l’impossible retour - mais un événement.



© Maylis de Kerangal (juillet 2008)