PRODROMUS au TRIPTYQUE d’Angers / Didier Goldschmidt (juillet 2008)


Dans la maison peinture



Les enfants sont montés dans leur chambre. Un verre de vin reste sur le piano. La porte est ouverte sur la rue. Sur le trottoir, le peintre fume une cigarette avec une amie, sous le regard de Claude Forget qui les croque à l’œil aigü de son Leica. Où est Anna ? Anna Hartmann est venue d’Allemagne pour un Paris d’art et d’esprit qui doit tant aux Européens, à leur esprit cosmopolite.


Tous deux ont créé Prodromus, rue Saint-Sébastien, un endroit préoccupé par cette pratique quotidienne : tenir en balancier, la peinture et la vie.


Les tableaux ici sont à portée de main. Vivants. Dans l’ancienne boutique de plain-pied dont l’enseigne promet encore des liqueurs ou du vin, entre un rire, un homme assis derrière la vitrine, un silence, chaque toile partage la vie de ceux qui entrent et sortent.


Pas plus qu’on n’isole la durée de l’instant, on ne sépare l’art de la vie. C’est dans leur imbrication fertile que naît parfois la peinture.


Davantage qu’à la critique, exposer - pour la galerie comme pour le peintre - c’est s’exposer au risque d’une relation rompue entre l’œuvre et le monde. L’œuvre sans le regard qui l’emporte, dépérit dans l’autarcie narcissique de son créateur. Aussi, pour rendre son éclosion possible, il faut des passeurs.


Loin des galeries où l’on manie le chic et l’asepsie comme pour promettre - et garantir ! - l’innocuité de la peinture, Anna Hartmann et Claude Forget portent la vie dans l’intimité de l’œuvre et affrontent la peinture au risque de ce qui l’inspire et qu’elle ne peut renier.


Enfants de Robin Goldring, façades parisiennes et bleus crétois de Yannis Markantonakis, Bestiaire d’Olivier Charpentier, terre jurassienne de Pascal Lombard, zincs de Bernard Morel, averses écossaises de Grégoire Hespel, labours encrés d’Astrid de La Forest, métaux aériens de Jean Murgue, grand-angles gravés de Pierre Collin.


Garder la peinture en route, faire route avec les peintres. Longue et méditative randonnée dont Prodromus a pour vocation de rester, pour longtemps encore, l’auberge inattendue.



© Didier Goldschmidt (juillet 2008)