Pour Yannis
Tachées de turquoise, de minium, les plumes se sont frottées à
la coque du navire, ancré dans la rade incertaine
L’oiseau pinceau a frôlé la surface de la houle et laissé son glissé de lumière
Virevoltes, heurts, un peu d’écume et le pinceau-signe est reparti
déjà pour une autre inspiration, un autre trait
Reviendra-t-il ?
La toile n’en sait rien, elle n’est que la partie visible d’une parabole
Je regarde l’avant-port et j’attends
Miracle de cette peinture qui ne s’achèvera jamais
qui maintient, claire et tendue, la promesse du visible
Je vois sur les flancs du lourd cargo rouillé, la forme que le vent
donne maintenant au geste de l’oiseau, à la peinture filée, diaphane
Je te vois, toi, le peintre, avec ta grâce solitaire, inabordable
l’appareil photo lové sous l’anorak comme un petit singe
Comme un enfant, nous te voudrions toi, le peintre et toi, la peinture
Mais tu vis pour tenir cet espace ouvert,
pour que nous puissions voir, contempler et attendre le retour de l’oiseau
L’oiseau du visible
© Didier Goldschmidt (juin 2008)